À celles et ceux qui ne voient pas la guerre avec indifférence : tribune de soutien aux communautés zapatistes agressées
À celles et ceux qui ne voient pas la guerre avec indifférence : tribune de soutien aux communautés zapatistes agressées
Depuis les Soulèvements de la terre, nous nous joignons à cet appel (traduction en français dans l’article ci-dessous) pour exiger l’arrêt des agressions et des crimes commis à l’encontre de nos sœurs et frères zapatistes.
Il y a plus d’un an, notre mouvement était menacé de dissolution par le gouvernement français. Tandis que sur notre territoire nous faisions en sorte de rendre impossible cet acharnement répressif, une grande vague de solidarité internationale nous est parvenue. Parmi ces organisations de tous les coins du monde se trouvaient quatre lettres inattendues : EZLN (Ejército Zapatista de Liberación Nacional, ou Armée zapatiste de libération nationale)
Alors qu’à ce moment le Chiapas voyait déjà la violence le submerger, l’armée zapatistes de libération national nous a adressé son soutien. Leur signature a traversé l’océan, comme rarement elle l’a fait.
Aujourd’hui, c’est le mouvement zapatiste qui se trouve menacé, face à l’une des têtes de l’hydre capitaliste les plus débridées car, comme souligné dans cette lettre, « les intérêts extractivistes, narco-économiques, et contre-insurrectionnels d’en haut, convergent ». Ce sont aussi les communautés qui s’organisent et les figures de la société civile qui sont attaquées, comme le padre Marcelo, assassiné dimanche en sortant de la messe, pour n’avoir cessé de dénoncer la complicité entre gouvernements et narcos.
Contre ceux qui veulent un monde sans rebelles, sans dignité, sans justice, qui désirent nous effacer, ici ou là bas, nous qui luttons pour la vie et défendo nos territoires : nous ne disparaîtrons pas.
À celles et ceux qui ne voient pas la guerre avec indifférence.
« Le Chiapas au bord de la guerre civile » était le titre du communiqué de l’EZLN du 19 septembre 2021. Aujourd’hui, le Chiapas est un champ de guerre civile. L’EZLN vient d’annoncer lui-même le 16 octobre dernier, que depuis des semaines les habitant·es de la communauté nommée Palestina au Chiapas ont menacé les habitant·es du village zapatiste « 6 de octubre » avec des armes de haut calibre, menacés de violer des femmes, d’incendier les maisons et voler leurs biens, récoltes et animaux, pour les expulser des terres que les zapatistes occupent et travaillent de forme pacifique depuis plus de 30 ans.
Les habitant·es de cette communauté nommée « Palestina » ont indiqué qu’il existe des pressions de la part du crime organisé pour que soient délogé·es les compañer@s zapatistes et qu’il existe un accord entre le crime organisé avec les différents niveaux de gouvernement pour donner une assise « légale » à cette spoliation.
Depuis 2021, l’EZLN avait averti des liens entre le gouvernement du Chiapas et les cartels de la drogue et dénonçait depuis lors la croissance du narco paramilitarisme, qui submerge maintenant le Chiapas dans la violence la plus sanglante. Au Chiapas, le narcoparamilitarisme est entrain de spolier le territoire et, comme le mentionnent les companer@s zapatiste, il opère conjointement avec les différents niveaux de gouvernement pour légaliser ces accaparements de terres. Les mêmes terres que l’EZLN a libéré des mains des grands propriétaires terriens en 1994 sont celles qu’à présent les gouvernements des 3 niveaux prétendent, favorisant passivement ou activement la violence et les dépossessions, mettre de nouveau dans des mains criminelles.
Au Mexique, la guerre n’est pas seulement inachevée, elle s’est renforcée dans certains états et l’un d’eux est le Chiapas. La gestion de la guerre que mène le gouvernement a consisté dans la spoliation du territoire, la criminalisation de la rébellion et bien sûr, en un discours qui minimise les atrocités et justifie le croissant et inefficace militarisme, ainsi que l’a prouvé la militarisation ininterrompue au Chiapas. La guerre des narcos qui a ensanglanté la frontière nord du Mexique et peu à peu tout le pays, s’étend aujourd’hui vers le sud-est et la frontière sud. Là les intérêts extractivistes, narco-économiques, et contre-insurrectionnels d’en haut convergent et deviennent une guerre narco-paramilitaire particulièrement hostile à l’encontre des communautés zapatistes, tandis que la Garde Nationale et le reste des Forces Armées de l’État dissimulent ces pratiques criminelles, les protègent et assassinent par ailleurs des migrants.
Comme le dit le sous-commandant insurgé Moisés dans le plus récent communiqué de l’EZLN, la situation est plus grave que ce qu’on arrive à voir. Le risque qu’impliquent ces menaces les ont amené à suspendre tout type de communication et à envisager la suspension des rencontres qui ont avaient été annoncées pour cette année et la suivante.
Le Chiapas a vécu une guerre de basse intensité pendant 30 ans depuis la présidence de Carlos Salinas. Le Mexique a vécu une narco-guerre durant presque 20 ans depuis la présidence de Felipe Calderon. Après trois ans de présidence d’Andrés Manuel Lopez Obrador, l’EZLN a signalé la recrudescence de la violence favorisée par le gouverneur Rutilio Escandon et une possible guerre civile au Chiapas. Deux semaines après le début du mandat de Claudia Sheinbaum, le Chiapas est dans un scénario de guerre civile. Et l’un des quelques recoins de dignité qu’il reste au Mexique et sur la Planète, le territoire zapatiste, est à nouveau traqué par la mort et la destruction. Comme le dit le communiqué de l’EZLN : « telle est la réalité de la « continuité dans le changement » avec les mauvais gouvernements ».
Nous qui signons cette lettre nous trouvons profondément indigné·es, préoccupé·es, et en alerte face à ce qui se passe sur les territoires zapatistes du Chiapas.
Nous appelons celles et ceux qui croient toujours que la dignité et la rébellion sont le chemin vers l’espoir, à dénoncer ce qui arrive et à faire pression sur le gouvernement Mexicain et du Chiapas, pour qu’ils fassent cesser ces agressions et ces crimes, suspendent tout soutien aux organisations narcoparamilitaires et ne poursuivent pas le militarisme et la militarisation en tant que voie d’issue présumée.
Cette dynamique de guerre fait obstacle à la possibilité que les communautés zapatistes poursuivent la construction, depuis leur autonomie et depuis le commun, de cette réalité porteuse d’espoir qu’elles, eux, iels appellent quotidienneté. Pour que dans leur miroir nous puissions entrevoir les chemins pour survivre à la tempête et penser le jour d’après.
Depuis plusieurs recoins de la planète terre.
- Tribune originale, signée par un ensemble d’organisations internationales et mexicaines, de personnalités à travers le monde : https://www.caminoalandar.org/post/pronunciamiento-alto-a-la-guerra-contra-los-pueblos-zapatistas
- Article à lire sur Lundi matin : https://lundi.am/La-situation-s-aggrave-au-Chiapas
- source : https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/a-celles-et-ceux-qui-ne-voient-pas-la-guerre-avec-