Le kawaz est un café bio vendu en paquets de 500g de café moulu ou en grains, au prix de 9,50 € et au kilo à 18€. Il ne sera bientôt plus vendu qu'au kilo pour limiter les frais !
La petite histoire du grain de kawaz
Je suis KawaZ, un petit grain de café, fruit et se mence du caféier. Je viens de loin et je vais vous raconter mon histoire.
Mes producteurs sont membres de la coopérative Yachil Xojobal Chulchan, qui se trouve à San Cristobal de las Casas, entre 1000 et 1300m d’altitude, dans la zone Nord du Chiapas, près de la frontière avec l’État du Tabasco, au Mexique.
Yachil Xojobal Chulchan et Ssit Lequil Lum (notre coopérative précédente) sont les plus jeunes des coopératives zapatistes. Yachil Xojobal Chulchan (la nouvelle lumière dans le ciel, en langue Tzeltal) est née en 2001 et rassemble 383 producteurs et 800 membres, répartis dans 7 communes. Beaucoup de ses membres ont été victimes de la répression et parfois assassinées.
Je dois d’abord vous expliquer que les caféiers présentent à la fois les fleurs et les fruits verts et mûrs. La cueillette s’effectue six à sept fois par an, de la mi-janvier jusqu’au mois de mars.
Quelques jours après la récolte, je suis descendu de ma colline et, une fois arrivé au village, j’ai été dépulpé, fermenté quelques heures dans l’eau puis séché. Au départ de 100 kilos de café brut, les producteurs obtiennent 18 à 20 kilos de grains comme moi, bien acidulés. Le dépulpage, c’est la première épreuve. Passer dans la machine et se faire moudre la pulpe, c’est pas vraiment du plaisir !
Après avoir séché sur une dalle, on m’a emmené jusqu’à Yajalón où nous avons été installés dans des sacs en jute de 69 kilos, rangés dans un camion. La première partie du voyage est un peurisquée, entre l’état des routes et les contrôles de police et des douanes. Les deux chauffeurs ont dû décharger deux fois, juste pour voir s’il n’y avait pas de clandestin ou de coca planqués parmi nous. Enfin, avec les barrages de l’armée et les mouvements des groupes paramilitaires, il y a de quoi flipper et se faire très discret.
Après deux jours de route, j’arrive au port de Veracruz où nous sommes rangés dans un container de 17 tonnes en attendant l’embarquement. Je ne suis pas prêt d’oublier cette épreuve ! Comment un grain de café qui a mûri à plus de 1000 m d’altitude pourrait-il être préparé à traverser l’Atlantique en cargo ?
Plus de trois semaines après, c’est l’arrivée au port du Havre. C’est l’été, il fait froid et il pleut. C’est toujours comme ça en Europe ? Une fois le container déchargé, on passe quelques jours en zone franche, histoire de se faire dédouaner, puis je me fais stocker dans le plus grand hangar que j’ai jamais vu. Ici, j’ai pu causer avec d’autres grains de café, des asiatiques, des africains et d’autres latino-américains. Moi qui croyais qu’on était les seuls ! On m’avait prévenu que je pourrais me retrouver à Copenhague ou à Madrid, à Berlin ou à Rome. Finalement, je suis arrivé à Bruxelles, il y a quelques jours.
Maintenant, je suis chez le torréfacteur. Je ne m’attendais pas du tout à ça, la torréfaction par dizaine de kilos. Chez nous, chaque famille torréfie son café sur une poêle. Une fois dans la grosse machine, je gonflerai et deviendrai tout noir, je perdrai 1/5 de mon poids. C’est comme ça que je serai lorsqu’on se rencontrera. D’habitude, le torréfacteur achète et mélange différents cafés verts mais, moi, je suis un « café d’origine » : tu me bois tel quel ou tu crées tes mélanges personnels.
Au-delà du goût, je suis complètement dans un autre trip.
Déjà, j’ai échappé aux coyotes, qui bossent pour les traders du business mondial du café. On m’aurait payé moins d’1 euro le kilo. Ça donne une idée des marges bénéficiaires fabuleuses réalisées par les multinationales de l’alimentation.
J’ai également échappé au commerce « équitable », qui achète le café à des prix à peine supérieurs aux cours officiels (jusqu’à 2,50 euros chez Max Havelaar).
Tout ça pour dire que j’ai été acheté directement à Yachil Xojobal Chulchan, à un prix solidaire, fixé par les producteurs, de 4,50 euros le kilo.
Cela me parait juste, quand je me rappelle mon parcours.
Le jour où mon caféier a été planté, les membres de la coopérative n’ont utilisé que des grains issus de leur parcelle, une variété adaptée au sol local. Les plantations profitent de l’ombre d’une vaste forêt. C’est le secret pour produire un grain aussi exceptionnel que moi ! L’engrais, c’est le produit de la diversité des végétaux entourant les plants de café. On y ajoute les bouses de vaches et la pelure, récupérée après le dépulpage des grains de café.
Aujourd’hui, tous les membres de la coopérative travaillent leurs parcelles de manière biologique, loin des normes imposées par le Business du Bio, la coopérative développe une certification indépendante avec l’appui d’une université de Veracruz. Les producteurs et des techniciens d’agroécologie définissent ensemble la liste des critères. Cette certification impose à la fois une culture sans produits chimiques et des normes sur la qualité du travail. Ils ont compris les nombreux avantages par rapport à l’utilisation d’engrais chimiques. Ils économisent l’achat des pesticides. Ils ont développé des cultures d’autosubsistance, en semant des plantes comestibles, des bananiers, des manguiers, des orangers,… entre les plans de café. Ça enrichit l’humus qui nourrit à son tour les caféiers et cet écosystème riche en espèces végétales offre une protection à des dizaines d’espèces animales.
Pas mal, non ?